Passer de la compétence professionnelle à la compétence en équipe : ça fonctionne !
L’adaptabilité et l’efficacité des maisons de santé pluriprofessionnelles (MSP) qui agissent dans les territoires de manière structurée en est un parfait exemple. Ces équipes doivent être considérées comme l’unité de base des soins de ville et devenir le premier niveau d’entrée en soins. Pour notamment régler certains dysfonctionnements, comme la gestion des patients en affection longue durée (ALD) : ils étaient 510 000 sans médecin traitant il y a quatre ans, ils sont aujourd’hui 714 000[1].
Aussi, les équipes pluriprofessionnelles font alliance avec leur territoire en adaptant leurs actions aux problématiques de santé de la population locale. Elles envisagent des solutions adaptées, comme par exemple à Gaillon, dans l’Eure, où des professionnels de santé font de la prévention lors du marché hebdomadaire (une fois par mois, un thème différent est abordé : dépistage du cancer, troubles du sommeil, santé mentale…) ; à Saint-Méen-le-Grand, en Ille-et-Vilaine, une coordinatrice clinique a été recrutée pour repérer et prendre en charge des personnes de plus de 75 ans en perte d’autonomie ; ou encore dans le 20ème arrondissement parisien où un accès aux soins primaires pour les personnes vulnérables a été renforcé en lien avec les centres de migrants et les services d’hébergement d’urgence[2]…
Actuellement, il y a un réel danger d’une dégradation majeure des soins primaires en France !
Epuisement, insatisfaction, perte de sens … Certains professionnels de santé ont le moral en berne et cela se constate même chez les étudiants (27% affirment avoir des symptômes dépressifs, voire suicidaires pour 11% d’entre eux). Trop souvent, les professionnels de santé se retrouvent isolés. En zone désertée, et même en exercice dans un établissement pluridisciplinaire, l’afflux de patients est tel qu’ils ne parviennent plus à relever la tête pour prendre le recul nécessaire adapté aux maux des usagers.
Un plan ambitieux en faveur de l’accès aux équipes en MSP par tous et pour tous
Il n’est plus question de perfuser un système de santé dont l’organisation est révolue : les politiques publiques doivent favoriser l’émergence de l’exercice en équipes de proximité qui a fait ses preuves, sur l’ensemble du territoire. Il faut aller plus loin, et plus vite : sur le déblocage des 32 milliards d’euros alloués à la santé, seulement 0,14% est consacré à la constitution d’équipes pluriprofessionnelles… Arrêtons de concentrer l’intégralité des financements des soins de ville sur un système conventionnel « à bout de souffle » privilégiant une approche « profession par profession, à l’acte » et négligeant les évolutions vers des rémunérations plus collectives en équipe. Evitons aussi l’écueil d’une organisation « hospitalocentrée ». Les parcours de santé des français ne relèvent pas tous de la case « hôpital ».
Au-delà de l’investissement, la construction d’équipes par tous et pour tous doit passer par un soutien de l’Etat et des collectivités sur les volets immobiliers et des fonctions support. L’émergence de nouveaux métiers en rapport avec les besoins de l’exercice en équipes de proximité coordonnées doit être soutenue et accompagnée : infirmiers(ères) d’équipe de proximité, coordinateurs(trices) de MSP, techniciens de l’information médicale… Ces nouveaux métiers liés à l’exercice en équipe pluriprofessionnelle de proximité doivent trouver une reconnaissance rapide suivie de leviers à ce type d’exercice.
L’accès à la santé ne doit pas être pris en étau entre querelles politiciennes et suprématie d’une profession envers une autre. Rester en bonne santé tout au long de sa vie et bien vieillir sont des enjeux fondamentaux pour une société « en équilibre et en harmonie ». Ces objectifs ne seront pas atteints sans soins, sans prévention, sans promotion de la santé qui ne peuvent être sérieusement portés que par le collectif des maisons de santé pluriprofessionnelles.
Ne compartimentons pas notre politique de santé dans des chiffres ou des objectifs vagues : optons plutôt pour le bon sens et l’efficacité ! Plus haut, plus loin, plus fort, pour reprendre un slogan en vogue en 2024, engageons-nous vers l’avenir des équipes en MSP. Il en va du bien-être de la population, des professionnels de santé, de la vitalité de nos territoires.
[1] Cette situation induit des renoncements aux soins : 11% des patients en ALD sans médecin traitant n’ont vu aucun médecin de ville en 2021, contre seulement 2% pour ceux avec médecin traitant. Source : CNAM
[2] Exemples tirés du tour de France à vélo des MSP de Sylvain Fonte – projet « Aller verT »
Osons un plan Marshall avec des maisons santé pluriprofessionnelles pour tous et partout